Le Gouvernement a adopté l’ordonnance n°2018-594 du 27 juin 2018 portant création, organisation et fonctionnement de l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics (ANRMP).
Cette ordonnance a apporté au dispositif de recours en matière de commande publique, une importante innovation, en instituant au sein de l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics deux (2) organes de recours non juridictionnel que sont la Cellule Recours et Sanctions (CRS) et le Comité de Règlement Administratif (CRA).
Si le premier est bien connu des acteurs de la commande publique, parce que opérationnel depuis 2011 et a, à son actif à ce jour, deux cent soixante-quatorze (274) décisions, tel n’est pas le cas du second qui s’est substitué à un ancien acteur dénommé « Commission Administrative de Conciliation (CAC) ».
Bien que ces deux organes non juridictionnels aient en charge la gestion du contentieux de la commande publique qui regroupe à la fois les marchés publics et les contrats de partenariats public-privé, chacun a son domaine de compétence spécifique.
En effet, la Cellule Recours et Sanctions est chargée du règlement du contentieux opposant l’Administration publique au secteur privé, tandis que le Comité de Règlement Administratif est chargé du contentieux interne à l’Administration publique.
Le CRA est composé de trois (03) membres du Conseil de Régulation de l’ANRMP émanant uniquement de l’Administration publique. Il est présidé par le représentant du Premier Ministre. Le Secrétaire Général de l’ANRMP et le Secrétaire Général Adjoint chargé des Recours et Sanctions participent aux réunions du comité, avec voix consultative. Le secrétariat de ce comité est assuré par le Secrétaire Général Adjoint chargé des Recours et Sanctions.
Les missions de gestion du contentieux interne à l’Administration publique, comme évoqué plus haut, étaient dévolues à la Commission Administrative de Conciliation, qui était un organe consultatif rattaché à ministère en charge des marchés publics. L’ordonnance n°2018-594 du 27 juin 2018 a reversé ces missions à l’ANRMP, à travers un comité spécialisé dénommé « Comité de Règlement Administratif ».
Aux termes de l’article 35 de l’ordonnance n°2018-594 du 27 juin 2018, le CRA connaît des litiges ou différends internes à l’Administration, nés à l’occasion de la passation ou du contrôle de la commande publique. Il est également chargé de proposer, sous forme d’avis, des sanctions à l’encontre des acteurs publics de la commande publique, reconnus coupables de violations de la réglementation des marchés publics et des Partenariats Public-Privé.
Ainsi, le CRA peut connaître de deux types de saisine qui constituent son champ de compétence.
En matière de litiges ou différents, le CRA connaît, à la différence de la CRS qui a uniquement une compétence précontractuelle, à la fois du contentieux précontractuel, c'est-à-dire le contentieux lié à la passation de la commande publique et du contentieux contractuel, c'est-à-dire de tous incidents opposant deux Administrations publiques nés dans la phase du contrôle, qu’il soit a priori ou a posteriori. En cette matière, le CRA rend des décisions exécutoires et contraignantes, ce qui n’était pas le cas de la Commission Administrative de Conciliation.
Par contre, en matière de sanctions contre les acteurs publics de la commande publique, le CRA ne rend que des avis, et est donc appréhendé comme un organe consultatif, laissant le soin aux autorités administratives compétentes de ratifier et d’appliquer ses propositions de sanctions.
L’avènement du CRA au sein de l’ANRMP est une innovation majeure qui se justifie à plusieurs titres.
Tout d’abord, en reversant à l’Autorité de régulation, les missions de la gestion du contentieux interne à l’Administration publique, le Gouvernement se conforme aux dispositions de la directive n°05/2005/CM/UEMOA du 9 décembre 2005 portant contrôle et régulation des marchés publics et des délégations de service public dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, ce qui a été pendant longtemps relevé par les évaluateurs de la Commission de l’UEMOA comme une non-conformité.
Ensuite, la reconnaissance au CRA d’un pouvoir décisionnel permet de rendre effective la gestion du contentieux interne à Administration publique qui, jusqu’à ce jour, n’a véritablement pas été opérationnalisée.
Enfin, cette sorte « d’unité juridictionnelle » dans la gestion du contentieux de la commande publique a l’avantage, non seulement de conférer une certaine cohérence dans l’édification de la « jurisprudence » de la régulation des marchés publics et des partenariats public-privé, en évitant des contradictions dans les prises de position, mais également, d’anticiper en amont les contentieux nés de la proclamation des résultats de la passation, puisque les autorités contractantes ont ainsi l’occasion de déférer devant l’organe de régulation les contestations qui surviennent suite aux différents contrôles dans la phase de la passation.
En conclusion, avec l’avènement du Comité de Règlement Administratif, l’ANRMP a certes recouvré la plénitude de ses attributions telles que prévues par la Directive n°05 de l’UEMOA, mais il s’agit là, à la fois, d’une responsabilité importante et d’un challenge que le nouveau Conseil de l’ANRMP présidé par Monsieur COULIBALY Y.P. va devoir pleinement assumer et relever.
Dr BILE Vincent
Docteur en droit
Secrétaire Général Adjoint
chargé des Recours et Sanctions
Rapporteur du Comité de
Règlement Administratif